PRESSE / Carcassonne : Les Gilets jaunes condamnés à des stages de sensibilisation à la citoyenneté pour s'être introduits chez la députée

Le 23 novembre 2018, une quarantaine de Gilets jaunes avaient fait irruption au domaine de Mireille Robert, députée LaRem de la 3e circonscription de l’Aude, pour discuter avec elle.

Article original publié dans l'indépendant du 04/06/2019 par Antoine Carrié
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Le 23 novembre 2018, une quarantaine de Gilets jaunes avaient fait irruption au domaine de Mireille Robert, députée LaRem de la 3e circonscription de l’Aude, pour discuter avec elle. Ils n’avaient pas pu la rencontrer et des palettes avaient été incendiées au beau milieu du chemin.

Moins de sept mois après s’être introduits sur le domaine viticole de la députée Mireille Robert, ils étaient douze Gilets jaunes (deux étaient absents mais représentés) à comparaître devant le tribunal correctionnel de Carcassonne ce mardi, pour y répondre d’un "acte d’intimidation envers un élu public, pour qu’il accomplisse ou s’abstienne un acte de son mandat". Les faits avaient eu lieu le 23 novembre 2018, à Pieusse.

Cette nuit-là, aux environs de 22?h?30, c’est une quarantaine de personnes habillées de gilets jaunes, encagoulées ou casquées, qui ont pénétré sur le domaine de Fourn avant de réclamer de voir la députée de la 3e circonscription de l’Aude pour s’entretenir avec elle. Il avait alors été répondu aux intrus que la députée était absente, et qu’il fallait qu’ils se rendent à sa permanence pour obtenir un rendez-vous.

"Des gens qui détestent la politique, mais qui veulent en faire"

En parallèle, alors qu’une partie du groupe de Gilets jaunes s’entretenait avec des proches de la députée, des palettes et des bouts de bois avaient été incendiés sur le chemin d’accès au domaine, avant que le groupe ne finisse par prendre la fuite avant l’arrivée des gendarmes… Les constatations faites par les militaires, c’est ensuite grâce l’exploitation d’images de vidéosurveillance et de téléphonie des suspects que douze d’entre eux ont fini par être arrêtés, dont sept le 22 janvier dernier. Âgés de 24 à 33 ans, tous ont reconnu s’être rendus chez la députée Mireille Robert, suite à un vote à main levée lors d’une réunion de Gilets jaunes qui s’était tenue au rond-point de Tridôme à Carcassonne, quelques heures auparavant.

Mardi après-midi, face à la présidente Céline Fleury, les prévenus ont tous expliqué que leurs intentions étaient pacifiques. "Je l’ai fait parce que je me suis dit que c’est une femme de pouvoir", a expliqué l’un des prévenus. Un autre dira au tribunal qu’il était avec le groupe, et qu’il n’a pas voulu le lâcher. Tous, qui n’ont nullement le profil du délinquant ordinaire, ont regretté leur acte, précisant qu’ils n’avaient joué aucun rôle dans la mise à feu des palettes?: "On voulait juste discuter…"

Aux intérêts de la députée Mireille Robert, Me Nicolas Domenech a estimé que l’infraction était caractérisée, pour "des gens qui détestent la politique, mais qui veulent en faire". Et de poursuivre sur la peur engendrée par les intrus?: "Mme Robert a bien fait de rester confinée", car "mettre le feu est quelque chose de violent par nature… Une discussion constructive n’aurait jamais pu être faite dans ces conditions". Et que dire sur le fait que les prévenus ont, pour la plupart, dissimulé leurs plaques de voiture, ou encore leur visage pour aller voir la députée dans la nuit… Pour Me Nicolas Domenech, un stage de sensibilisation à la citoyenneté serait une peine adaptée pour les prévenus, à qui il réclame 1 € en réparation du préjudice moral de sa cliente.

De huit mois de prison à 12 mois avec sursis requis

Pour le ministère public, la procureur de Carcassonne Florence Galtier est revenue sur cette soirée "de terreur vécue par la famille Robert", en constatant que les prévenus n’avaient pas eu "de remords pour renoncer à leur action", alors qu’"ils auraient pu avoir un rendez-vous d’une façon plus simple". Des peines allant de huit à douze mois avec sursis ont ainsi été requises pour onze des prévenus. Pour le douzième, au casier judiciaire plus fourni, ce sont de six à huit de prison ferme (aménageables) qui ont été demandés.

Au final, après en avoir délibéré, le tribunal a condamné dix des prévenus à un stage de sensibilisation à la citoyenneté à leurs frais. Les deux autres, absents à l’audience, ont écopé d’une amende de 300 €.

"Face à des personnes qui souffrent d’un refus d’écoute"

À la défense de quatre prévenus, Me Jean-Marc Février (barreau de Narbonne) a tout d’abord expliqué que "ce n’est pas parce que la plaignante a eu peur que mes clients sont coupables… Ce qu’ils voulaient ce n’est pas un rendez-vous, mais juste discuter. On n’est pas sur une milice militaire, ce sont des citoyens ordinaires qui n’ont pas de lien avec la délinquance. C’était une mobilisation de travailleurs pauvres face à l’injustice sociale?!"
Aux intérêts de celui qui a transporté le bois jusqu’au domaine de la députée, Me Olivier Trilles (barreau de Carcassonne) a également plaidé la relaxe, car il a estimé que l’infraction n’était pas constituée au regard de la prévention. "Est-ce un acte d’intimidation de vouloir être reçu par un élu?? Non… Nous sommes face à des personnes qui souffrent d’un refus d’écoute des politiques?!"
Pour un autre prévenu, Me Charlotte Deloffre (barreau de Carcassonne) a joué sur la personnalité de son client, "qui a été sincère dans ces déclarations. Ce soir-là, il a endossé un costume trop grand pour lui, dans un système dont il est exclu depuis plusieurs années. Mon client fait partie de ceux qui ont discuté à visage découvert avec la famille de la députée…"
Aux intérêts d’un autre, "resté un peu en retrait du groupe", Me Alexandra Vitrac (barreau de Carcassonne) a sollicité la clémence du tribunal en soulignant que son client avait pleinement pris conscience que sa responsabilité était engagée. Me Ségolène Zickler, pour un des prévenus absent, a regretté que le ministère public n’ait pas fait de distingo entre chaque prévenu, tout comme Me Marion Blondeau pour sa cliente, "qui est une personne insérée qui enchaîne les contrats saisonniers. Oui il faut la sanctionner, mais ne pas en faire un exemple?!"

Article original publié dans l'indépendant du 04/06/2019 par Antoine Carrié
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